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Agées d’une vingtaine d’années, parfois beaucoup moins, pour elles enfance et adolescence ne riment pas avec insouciance. Bien souvent, la vie ne les a pas épargnées. Dotées d’un pouvoir de résilience exceptionnel, ces jeunes filles défendent une cause avec une force de caractère et une détermination étonnantes, s’engageant aussi bien pour la liberté de leur pays, pour le droit des filles à l’éducation, ou pour les droits de la femme. Une lutte souvent menée au péril de leur vie.



Journaliste : Véronique Barral
Rédaction en chef : Darya Kianpour, Kèoprasith Souvannavong - RFI
Direction des Nouveaux Médias : Christophe Champin - RFI
Graphisme et développement : Studio Graphique France Médias Monde
Photos : Getty, AFP, Wikipedia, Archives familiales Rol-Tanguy - DR
Sources : RFI, France 24/Stéphanie Trouillard, « La Rose Blanche » Inge Scholl, Nobelpize.org, unwomen.org
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Malala Yousafzai

Pakistanaise, militante pour le droit des filles à l'éducation

« Je veux que toutes les filles bénéficient d’une éducation »

La voix bien posée et le voile ajusté, la jeune fille s'exprime avec douceur et fermeté.
« En raison de toutes les prières, Dieu m’a donné une nouvelle vie, une seconde vie. Et je veux servir. Je veux servir les autres. Je veux que toutes les filles, tous les enfants, bénéficient d’une éducation ».

Depuis Birmingham en Angleterre, Malala Yousafzai, Pakistanaise de 15 ans, remercie en février 2013 ceux qui l’ont soutenue pendant l’épreuve qu’elle vient de traverser. Quelques mois auparavant, dans son pays, les talibans avaient tenté de la faire taire en lui tirant une balle en pleine tête, la condamnant à mort pour ses activités de « pionnière pour la défense de la laïcité et des Lumières ».

A 11 ans la petite Pachtoune n'a pas froid aux yeux. Elle crée un blog et sous le pseudo « Gul Makai », « fleur de bleuet » en ourdou, dénonce au monde entier les violences et les crimes commis par les talibans dans la région de Swat, au nord-ouest du Pakistan, et milite pour le droit à la scolarité et à la liberté de penser pour les femmes. En 2011, le gouvernement de son pays lui remet le premier prix national pour la paix. Les récompenses se succèdent. A 17 ans, Malala Yousafzai reçoit le prix Nobel de la paix, devenant ainsi la plus jeune des lauréats de la prestigieuse récompense.

Photo : © Getty - RJ Sangosti

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Anna Marly

Française, auteure de l'hymne de la Résistance

« Ami entends-tu… »

Londres, 1942 : depuis les studios de la BBC, une jeune fille siffle une mélodie qu'elle vient de composer. Etrangement, le son reste parfaitement audible malgré le brouillage de la radio par les Allemands. Vingt-quatre ans plus tôt, à peine âgée de 3 ans, Anna Marly arrivait à Paris avec sa famille, fuyant la Russie après la mort de son père, fusillé au cours de la révolution bolchevique. Devenue adolescente, elle apprend à jouer de la guitare.

En 1940, Anna s'engage dans les Forces françaises libres. Répondant à l'appel à la résistance du général de Gaulle, la jeune musicienne connaît un nouvel exode qui la conduit à Londres. Cantinière au quartier général, elle compose des chansons qu'elle interprète devant des soldats bouleversés par ses mélodies. L'une d'entre elles, particulièrement mélancolique, devient rapidement l'hymne de la résistance. Le Chant des partisans, écrit en russe, est traduit en français par deux résistants : Joseph Kessel et Maurice Druon, et connaît par la suite un succès mondial.

Après la guerre, Anna Marly continue à composer des chansons. Parmi les plus célèbres, La Complainte du partisan reprise par l’américaine Joan Baez et le canadien Leonard Cohen, et Une chanson à trois temps chantée par Édith Piaf. Décorée de l'ordre national du Mérite en 1965, puis nommée chevalier de la Légion d'honneur en 1985, les décorations les plus prestigieuses ne l'ont pas départie de sa modestie. Le Chant des partisans est entré dans l'Histoire, sans que jamais son auteure, décédée en 2006 à l’âge de 88 ans, n'en ait fait la publicité ou la promotion.

Photo : © AFP

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Aline Sitoé Diatta

Sénégalaise, résistante à la colonisation française

La « Jeanne d’Arc d’Afrique »

Née en 1920 à Kabrousse, au sud du Sénégal, Aline Sitoé Diatta est recueillie par son oncle paternel après la mort de son père. Adolescente, elle cherche, en vain, du travail dans son village natal et décide de rejoindre Dakar. Arrivée dans la capitale, d'après la légende, elle « entend des voix » qui lui ordonnent de rentrer chez elle pour libérer son peuple.

En 1940, « la Jeanne d’Arc d’Afrique » décide de résister à la colonisation française et incite ses concitoyens à ne pas participer à la Seconde Guerre mondiale aux côtés de la France. Avec la fougue de ses 20 ans, elle ne cesse de leur rappeler le droit ancestral des Noirs sur leur terre d’Afrique. Brillante, la jeune Aline élabore une stratégie pour libérer le pays d’une dépendance économique en développant les cultures vivrières au détriment de l’arachide.

Devenue le symbole de la résistance casamançaise, elle semble aussi capable d’accomplir des miracles et de guérir des malades par une simple imposition des mains. Tant de pouvoirs effraient l’administration coloniale. Celle que l’on nomme « la reine-prêtresse de Kabrousse » est arrêtée le 8 mai 1943. Déportée à Tombouctou au Mali, elle succombe le 28 mai 1944 à des conditions de détention inhumaines.

Photo : Studio graphique - France Médias Monde

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Nadia Anjuman

Afghane, poétesse au péril de sa vie

« Espoirs envolés, désirs non exaucés, je suis née en vain, c'est vrai »

Herat, le 5 novembre 2005. Dans un appartement du quartier ouest de la ville, la police découvre le corps inanimé d'une jeune femme. Blessée mortellement à la tête, elle succombe quelques heures plus tard à l’hôpital. Au cours de l’enquête, son mari avoue l’avoir battue, mais nie l’avoir tué. L’affaire est classée avec la mention « suicide ».

Une vie arrachée à cette jeune mère, talentueuse poétesse afghane. Depuis plusieurs années, Nadia Anjuman suit des cours de littérature, et fréquente assidument le cercle des femmes poètes d'Herat. Elle écrit des vers poignants dénonçant la condition des femmes afghanes et leur détresse. Dans son pays écrire est une activité fortement réprouvée pour une femme. Celles qui s’expriment en public continuent d’être considérées comme des femmes « légères ». Limitation de la liberté instaurée par les talibans, mauvais traitements et violences domestiques perdurent malgré la chute du régime intégriste en 2001. Certaines s’immolent par le feu, désespérées par cette situation.

Nadia Anjuman publie son premier recueil de poèmes en 2005. La jeune femme n’a que 25 ans. Son style et la maturité de son œuvre étonnent et provoquent l’admiration bien au-delà des frontières de son pays. L’ouvrage intitulé Gul-e-dodi (Fleur rouge sombre) est devenu un best-seller, traduit en plusieurs langues.

Photo : © Wikipédia, Creative Common

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Ngawang Sangdrol

Tibétaine, religieuse militante pour la liberté du Tibet

« Vive le Tibet libre ! »

Arrêtée de nombreuses fois pour avoir participé à des manifestations pacifistes à Lhassa, à 25 ans, Ngawang Sangdrol a déjà passé près de la moitié de sa vie en prison.

Depuis sa petite enfance, elle vit au couvent de Garu, à quelques kilomètres de Lhassa. Dès l’âge de 10 ans, elle décide de résister à la présence chinoise et se mobilise pour la liberté du Tibet. Ce qui lui vaut un premier séjour en prison où elle purge une peine de 15 jours. Par la suite, elle « récidive » et fait plusieurs séjours en prison, dont le dernier à l’âge de 15 ans sera prolongé de différentes peines.

Son combat s’appuie sur la non-violence, avec des chants et des poèmes pour seule arme. La jeune fille vit dans la prison de Drapchi, entourée d’autres religieuses « chanteuses de la liberté » et de plus d’un millier d’autres prisonniers. Lors d’une visite d’officiels chinois, elle leur lance à la figure « Vive le Tibet libre ! ». Sa peine s’alourdit, elle écope désormais de 18 ans de prison. Elle n’a que 16 ans.

La situation de la « prisonnière de Lhassa » suscite une mobilisation internationale et des actions de sensibilisation se multiplient. Mais rien n’y fait, la jeune religieuse tibétaine, condamnée au total à 21 ans de prison, ne sera libérée qu’à 25 ans, en octobre 2002, pour raisons médicales.

Photo : © Getty - Xavier ROSSI / Contributeur

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Angela Davis

Américaine, une icône de la contestation noire

Une femme « à la ténacité bouleversante jusqu’à l’étrangeté » - Jean Genet.

Birmingham, Alabama, 1955. Partout dans la ville, des églises aux magasins, et des bus aux toilettes publiques, des pancartes affichent encore « White Only » et « Colored Only ». Profondément marquée par cet environnement entaché de ségrégation raciale, Angela est élevée dans la contestation et la résistance, depuis sa plus tendre enfance, par des parents membres activistes du Parti communiste. Adolescente, la jeune fille part poursuivre ses études à New York. Rapidement, elle rejoint une organisation de jeunesse marxiste-léniniste. A 18 ans, elle découvre le militantisme actif. Elle se bat pour l’égalité raciale, mais aussi pour l’émancipation des travailleurs.

Après des études de philosophie en Europe, Angela Davis retourne aux Etats-Unis et devient membre du Parti communiste puis rejoint les Black Panthers. Accusée de complicité de meurtre dans un attentat visant à libérer des prisonniers politiques noirs, elle s’enfuit. Sa cavale la rend célèbre dans tout le pays. Après une traque de plusieurs mois, la 3e femme de l’Histoire inscrite sur la célèbre « Most Wanted List » (« Les personnes les plus recherchées ») du FBI est arrêtée. Elle est condamnée à mort en 1970. Elle n’a que 26 ans.

Deux ans plus tard, une révision de son procès met à jour une machination du FBI. Angela Davis est acquittée et devient une icône de la lutte des Noirs aux Etats-Unis. Aujourd’hui encore, à 72 ans, elle continue à militer contre les discriminations raciales, sexistes et sociales.

Photo : © Getty - Miroslav Zajic / Contributeur

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Sophie Scholl

Allemande, membre de la « Rose Blanche », opposante au nazisme

Le 18 février 1943, deux étudiants quittent précipitamment l'université de Munich. Mais le concierge les arrête et les livre à la Gestapo. Sophie Scholl et son frère Hans distribuent des tracts depuis quelques mois. Signés « Weisse Rose » (« Rose Blanche »), ils dénoncent le régime nazi et incitent le peuple à le rejeter. Leurs textes font référence à d'éminents penseurs et ils invitent les lecteurs à participer à une « chaîne de résistance de la pensée » en les reproduisant et en les faisant circuler à leur tour.

Le mouvement de résistance a été créé quelques mois plus tôt, en juin 1942, par 6 étudiants. Hitler est alors au sommet de sa puissance et distribuer des tracts dans les rues de Munich est extrêmement dangereux. Arrêtés, ils sont soumis immédiatement à une série d'interrogatoires musclés. Sophie Scholl revendique ses activités de résistante et décide de tout prendre sur elle pour protéger les autres membres de « La Rose Blanche », notamment Christoph Probst, qui vient lui aussi d'être arrêté. Les trois jeunes résistants sont traînés devant le «Tribunal du peuple du Reich».

Dans une salle remplie de nazis en uniforme, ils sont soumis à une parodie de procès, sans même le soutien d'un avocat. En trois heures et sans délibération, ils sont condamnés à mort pour trahison.

Le 22 février 1943, Sophie Scholl, 22 ans, est guillotinée la première, suivie de Hans Scholl, 25 ans et Christoph Probst, 24 ans.

Photo : © Getty- ullstein bild / Contributeur

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Rigoberta Menchu Tum

Guatémaltèque, porte-parole des Indiens opprimés

Née à Chimel au Guatemala en1959 dans une famille de paysans pauvres, dès sa plus tendre enfance, Rigoberta travaille dans les fincas, grandes propriétés terriennes, aux côtés de ses parents. Les conditions de vie y sont insalubres et la petite fille découvre le racisme anti-indien. Son père Vicente Menchu, Indien quiché de culture maya, milite pour la reconnaissance du droit à la terre par les populations locales. Il est emprisonné et fonde le Comité d'Unité paysanne, (CUC), pour lutter contre l'oppression exercée par le gouvernement afin de prendre leurs terres.

Rigoberta a 20 ans lorsque son frère est torturé et brûlé vif par des soldats. La jeune femme rejoint le CUC et lutte activement pour les droits des autochtones. L'année suivante son père meurt, victime, lui aussi, de tortures de l'armée. Puis c'est le tour de sa mère violée, torturée et tuée quelques semaines plus tard. Pour dénoncer plus efficacement les atrocités dont sa famille et son peuple sont victimes, elle décide d'apprendre la langue officielle du pays, l'espagnol.

L'année suivante, la jeune femme part en exil au Mexique, déterminée à combattre la répression et à défendre les droits des Indiens. A 33 ans, elle reçoit le prix Nobel de la paix, « en reconnaissance de son travail pour la justice sociale et la réconciliation ethnoculturelle basée sur le respect pour les droits des peuples autochtones ».

Photo : © Getty - Jim Wilkes / Contributeur

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Aliaa Magda Elmahdy

Egyptienne, la « blogueuse nue » des printemps arabes

2011, Université américaine du Caire en Egypte. Depuis l'âge de 16 ans, Aliaa Magda Elmahdy se revendique à la fois « laïque, libérale, féministe, végétarienne, individualiste » sur son profil Twitter. Quelques mois après les révoltes du printemps arabe, la jeune fille gravit un nouvel échelon dans son propre mouvement de rébellion et pose nue pour protester contre le port du voile.

Un cri de révolte des temps modernes transmis par les réseaux sociaux, qui suscite plus de 1,6 million de clics et 3 000 commentaires et pour lequel elle risque 80 coups de fouet et une peine de prison selon le châtiment prévu par la charia. Après avoir reçu plusieurs menaces de mort, « la blogueuse nue » s'est réfugiée en Suède. Depuis, elle a rejoint le groupe féministe Femen et participe à leurs actions.

En décembre 2012, à Stockholm, accompagnée par deux autres Femen, elle pose une nouvelle fois nue pour protester contre l’adoption de la nouvelle Constitution égyptienne prévoyant l’application de la charia. L’année suivante, Aliaa manifeste devant l’ambassade de Tunisie à Paris pour la libération de trois Femen incarcérées à Tunis. En 2014, en réponse à l’exécution filmée du journaliste américain James Foley, Aliaa adresse une provocation sous forme de photo au groupe jihadiste Etat islamique (EI), affirmant une nouvelle fois que les menaces de mort n’auront pas raison de son engagement.

Photo : © Wikipedia CC BY 2.0

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Cécile Rol-Tanguy

Française, résistante de la Seconde Guerre mondiale

« J’ai jamais eu la peur au ventre. On ne fait rien si on a la peur au ventre »

Elle s’appelle Jeanne ou parfois Lucie, au gré des missions. En 1940, Cécile combat déjà les nazis dans la clandestinité lorsque son mari, Henri Tanguy, s’engage dans la Résistance. Elle n’hésite pas et lutte désormais à ses côtés. A tout juste 20 ans, la jeune femme devient sa collaboratrice, tour à tour secrétaire, agent de liaison ou même passeuse d’armes, emmenant résolument ses enfants pour dissimuler un revolver ou une mitraillette au fond d’un landau.

Le 19 août 1944, elle tape à la machine l'appel à l'insurrection des Parisiens rédigé par son mari. Nommé chef régional des Forces françaises de l'intérieur (FFI) en mai, Henri Tanguy a pris le pseudonyme Rol, du nom d'un de ses amis, parti avec lui dans les Brigades Internationales, tué au cours de la guerre civile espagnole. La semaine suivante, depuis l'abri souterrain de la place Denfert-Rochereau, il prépare la libération de la capitale française, secondé par sa femme.

Toujours discrète, Cécile Rol-Tanguy n'a parlé de son passé de résistante qu'après la mort de son mari. Aujourd’hui âgée de 97 ans, elle est déterminée, jusqu'à son dernier souffle, à « représenter les résistantes qui ont été oubliées ».

Photo : © Archives familiales Rol-Tanguy – DR

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